Atteintes aux
moeurs, une interprétation subjective

 
Le code pénal tunisien contient toute une section destinée aux atteintes aux mœurs. Ainsi les articles 226 et suivants répriment des actes dont la criminalisation est nécessaire pour la protection de la société tels que le viol et l’harcèlement sexuel.

Toutefois, cette section contient malheureusement des dispositions permettant aux forces de sécurité de s’immiscer dans la vie privée des individus, et de moraliser la vie publique, au détriment, notamment des la liberté des femmes et des minorités sexuelles. 

L’article 230, tout particulièrement, criminalise l’homosexualité L’article 230 criminalise l’homosexualité. Cet article est problématique, tout d’abord vu son inconstitutionnalité. Les articles 21, 23 et 24 de la constitution disposant que « L’État garantit aux citoyens et citoyennes les droits et libertés individuelles et collectives », « L’État protège la dignité de l’être humain et son intégrité physique et interdit la torture morale ou physique » et « L’État protège la vie privée ».

Les pratiques liées à l’établissement de la preuve en la matière passent généralement par un test médical dit « test anal » pour vérifier la pratique de la sodomie de l’accusé. Cet acte assimilé à de la torture, constitue une violation de l’intégrité physique et morale des personnes ainsi qu’une atteinte grave à la dignité humaine.

ARTICLE 230 DU CODE PÉNAL
“La sodomie, si elle ne rentre dans aucun des cas prévus aux articles précédents, est punie de l’emprisonnement pendant trois ans.” (–> traduction française du texte arabe qui évoque l’homosexualité masculine et féminine)

Une condamnation unanime du test anal

Bas les Masques !

Le Comité Civil pour les Libertés Individuelles, composé de nombreuses organisations de la société civile et dont ASF fait partie, a publié en mars 2019 un rapport sur l’état des violations des libertés individuelles pour l’année 2018.

Le Rapporteur spécial de l’ONU, en 2016 dans ses observations finales concernant le troisième rapport périodique de la Tunisie, avait ainsi considéré que l’Etat tunisien devrait abroger l’article 230 du Code pénal, qui pénalise les relations consenties entre adultes du même sexe. Il devrait aussi interdire les examens médicaux intrusifs qui n’ont aucune justification médicale et ne peuvent être consentis de manière libre et éclairée par les personnes qui les subissent et qui seront, de ce fait, poursuivies en justice.

De plus, le test se fait souvent en présence d’un agent de police dans la salle d’examen . Le Comité contre la torture avait affirmé en 2016 sa préoccupation par « des informations affirmant que plusieurs personnes acceptent cet examen sous la menace de la police arguant, entre autres, que le refus de donner leur consentement serait interprété comme une incrimination. »

Aussi, le Conseil National de l’Ordre des Médecins de Tunisie a exprimé sa condamnation de cette pratique .

Pour assurer un véritable respect des libertés individuelles et de l’égalité citoyenne, le législateur tunisien devrait abroger l’article 230 du code pénal. Mais en attente de cette abrogation, la justice ne doit pas recourir au test anal en tant que moyen de preuve de l’homosexualité et les magistrats doivent veiller au respect des procédures judiciaires, sanctionner les abus constatés lors des poursuites et l’enquête préliminaire et protéger les droits et les libertés des personnes.

Des affaires emblématiques, qui sont l'affaire de tous

La société civile tunisienne s’est souvent mobilisée pour la défense des personnes traduites en justice sur la base de l’article 230. C’est notamment le cas de l’affaire du jeune Marwan, datant de 2015, où la mobilisation nationale et internationale ont permis de réduire la peine prononcée à l’encontre de ce jeune homme accusé d’homosexualité.

Une autre affaire a longuement retenu l’opinion publique qui a concerné six jeunes étudiants interpellés à leur domicile à Kairouan sans la moindre autorisation judiciaire. L’affaire a été construite sur la base d’indices constatés à partir des données d’un ordinateur portable de l’un d’eux, puis les accusés ont subi des tests anaux. La pression de la société civile a toutefois permis de réduire leurs peines.

En outre, la recherche de preuves de l’homosexualité s’accompagne souvent en amont par multiples intrusions dans la vie privée des suspects : fouilles dans les messageries électroniques, les téléphones et ordinateurs à la recherche de matière vidéographique compromettante, perquisitions à domicile, souvent en infraction totale avec les procédures pénales en vigueur.

Le délit de faciès est également largement pratiqué par les forces de police, comme présomption préliminaire d’homosexualité.

Découvrez les rapports d'observation de procès

Vous trouverez ci-dessous un échantillons des rapports d’observations de procès qu’établissent les observateurs du ROJ, au moment de l’audience, afin de collecter les informations pertinentes à l’analyse de la thématique. 

TC : Tribunal Cantonal

TPI – Ariana

26 Juin 2019